mardi 14 septembre 2010

Ma mie


(Tableau de Ahmed El Glaoui)


Voici un texte que j'avais commencé il y'a quelques mois en l'honneur de ma grand-mère.
Tout d'abord, justifier l'absurde idée d'écrire sur une "grand-mère":

Je gigotais dans un désœuvrement sidéral, fatiguée par une inspiration capricieuse. Je n'avais que trop écrit sur l'amour, le sexe, l'alcool... Des acrostiches MIELleux pour [insérer prénom] mon amour, aux succulents pamphlets sur le jeûne obligatoire (les p'tites bonnes, les hommes battus, les hammams non mixtes... et j'en passe), en passant par les dithyrambes forwardés a tous les employeurs potentiels, qui muaient en diatribes a ceux qui ont répondu par la négative. Donc tous.

Je me suis dit alors que ce serait chouette alors d'écrire quelque chose de touchant, tremblotant, mignon (...et tragique tout en étant drôle, léger sans être bête, sucré, enflammé sans être incendiaire, mélo-dramatique et comique a la fois, bref.), que je publierais après la mort de ma grand-mère, quand elle aura crevé bien entendu.

Je tiens déjà signaler aux mauvaises langues que je ne hais point pas grand-mère. Bien que je ne l'aime pas spécialement.
Ma grand-mère est une grande dame. De celles qui ne se laissent pas abattre par la vie dure qu'elle mène. Comprendre voisins chiants, humidité dans sa cuisine, frigo qui ne ferme plus, la retraite de feu son mari qui fond comme de la glace avec le cout de la vie qui chauffe...etc .
Toute chétive qu'elle est, le visage rose et la peau presque transparente. Ses cheveux qu'elle déroule comme un tapis roux henné (et blancs quand elle a oublié de les teindre) pour accueillir ses invités. Ses mains aux fines taches brunes et ses doigts effilés dont elle dresse nerveusement le majeur, quand on la chatouille, et qu'elle cache dans la poche de son tablier aussitôt, honteuse, comme une érection non voulue.
Ma grand-mère ne m'aura laissé ni villa vue sur mer, ni terrains agricoles a 9al3ate Sraghna*. Pas de Louis en or non plus. Juste son sang-froid légendaire et sa cuisine fadasse, qu'il n'y a que ses enfants pour apprécier, et que je mets en bouche par politesse, ou quand je crève vraiment la dalle.
Grand-mère est une dure a cuire. Une bonne vivante. Très mondaine, elle aime particulièrement aller aux enterrements et funérailles, en attendant les siens.
Figure cardinale de l'épicurisme dans tout Ain Sebaa*, le libertinage en moins (quoique), ma grand-mère est une grande buveuse...de coca. Et ce n'est pas son diabète qui viendra à bout de son addiction.
- "Mmi, ton médecin a dit NON"
- "Allez, mon petit, juste un peu. Deux doigts !!"
Et on finis par céder. Car à XX berges (elle n'a pas été datée) elle a gardé un sourire superbe que lui envierait la plus botoxée des mamies stars hollywoodiennes.

Bref. J'avais décidé de publier ce texte, parce que ma mamie préfère encore souffler sur les pissenlits qui poussent dans Chouhada** quand elle va lire une Fatiha*** sur la tombe de sa sœur. Parce que contrairement a ma grand-mère, mon texte a pris des rides. Et parce que j'ai sérieusement peur de trépasser avant elle.
Mais je pense que finalement, une gloire posthume, ce serait pas mal du tout.
Et puisque je ne trouve pas de chute a cette merde, je vais sacrifier mon originalité et mon humour inégal en citant Zakaria Boualem:
" Et merci".



* une étoile
** deux étoiles
*** troi zétoiles