mardi 18 mai 2010

Aujourd’hui j’ai vu ma tante...

...
L’évènement en lui-même n’a rien de bouleversant. Même si ça faisait 4ans que je ne l’avais plus revue. A part quelques kilos de graisse en plus, et sa couleur de cheveux, elle n’avait changé en rien. Et même que pour la couleur de cheveux, on avait l’habitude. Elle changeait tellement de teinture qu’on avait oublié sa couleur naturelle. Je ne sais pas si elle s’en rappelle elle-même.
Toujours est-il qu’elle n’avait pas changé. Les gens qui changent, je n’en ai jamais rencontré aucun. Les gens ne changent pas. Ce qui change c’est la quantité d’informations qu’on connaît sur eux, ou au mieux si on les perd de vue, c’est les choses qu’ils ont vécues sans nous. Changer est réservé à la race supérieure dont je fais partie.

Elle m’avait proposé d’aller au restau puis d’aller s’empiffrer de pâtisseries dans un café qu’elle connaissait. J’avais accepté le programme, parce que s’empiffrer de pâtisseries, ce n’est pas ce que je fais tous les jours, et aller au restau était la règle numéro 1 dans le code de la survie. Et puis je ne payais pas un rond. Et à lui seul, cet argument pouvait me convaincre de faire bien des choses, non sans une certaine joie.

Sauf que cette fois, la joie tourna court quand ma tante freina sec devant la Zaouia d’un saint, comme y’en a partout au Maroc. Vu que ça faisait dix ans qu’elle était partie en France, et qu’elle n’était pas revenue tous les 6mois, je considérais cette escale inopinée, du moins pour moi, comme une curiosité de touriste, ou une visite culturelle. Puisque les musées, en nombre, ne font pas le poids devant les saints, et qu’ils sont souvent, bien planqués. Chacun sa manière de « protéger » et « sauvegarder » son patrimoine.

Mais à ma grande surprise, ma tante ne sorti pas son appareil photo jetable. Elle commença a tournoyer autour du tombeau du saint, a marmonner des prières, tantôt les mains jointes, tantôt posées a plat sur les arabesques abîmées et le tissu vert défraîchi qui habillait le cercueil. Ça sentait le renfermé. Le moisi même.

Je m’adossai contre le mur, avec mon mini-short et mes santiags. Accoutrement obscène pour ce lieu de culte, et levai la tête au ciel. Les prières gravées sur les murs comportaient des fautes d’orthographe quand elles étaient lisibles.

Les larmes giclaient des yeux de ma tante et cascadaient sur ses joues qui tombent. Elle caressait le tissu, de plus en plus frénétiquement. Elle était presque en transe.

Un homme, vieux à en croire ses rides et ses cheveux blancs, entra sous la coupole. L’air grave, il me toisa d’un œil d’abord sévère, puis désolé. Il marqua une pause sur mon short que je sentis rétrécir et soupira. Sur quoi, il commença sa valse mortuaire autour des restes du saint, couverts de briques et de chaux.
Ce vieux avait passé l’âge d’être outré par l’insolence de la jeunesse. Il ne pouvait plus qu’être désolé et se résigner à la cohabitation pacifiste avec les petits diables, qu’il pouvait maudire a loisir en huis clos avec des gens qui partageaient les mêmes convictions que lui.
Mais il était profondément désolé. Vraiment. L’américanisation gagnait du terrain. Elle a même réussi à pénétrer l’enceinte du havre de paix et haut lieu de recueillement qu’était jadis sidi Balyoute, et même s’adosser au tronc du palmier sacré en bottes de cow-boy. Le pépé ne savait plus a quel saint se vouer. Parce que le pauvre sidi Balyoute était dépassé. Entre les bonnes femmes de 45ans qui venaient prier pour enfanter, les petites vipères qui souhaitaient la mort d’une voisine ou la nouvelle femme du mari… Il ne pouvait plus rien pour ces gens là. Ni pour les autres d’ailleurs.
Mais le petit vieux venait prier quand même. Il n’avait pas de chien à promener, et le journal, il ne savait pas le lire.
Ma tante, elle, savait lire par contre. Et elle avait déjà deux grands garçons. Même qu’elle était grand-mère. Elle était là quand même. Encore plus pieuse que le vieux.
Devant l’incompréhension totale et l’absurde de la situation, j’hésitai entre éclater de rire et péter. Rire était malvenu. Je préférai taper fort sans relever de poussière. Un petit, bien corsé, et je suis sortie fumer en me plaignant de l’odeur :

- ça sent le cadavre par là ! dis-je en sortant dans le patio.
Ça sentait plutôt le vivant. Et qu’est ce que ça puait !
Ma tante me rejoignit, quand je commençais à m’impatienter.

- Tata …?!
- Oui ?
- Pourquoi tu viens prier ce mort ? tu peux faire plus de choses pour lui qu’il ne peut en faire pour toi, aussi saint soit-il…

Ma question était simple, claire et vraie. Et ce n’était pas un reproche.
Et à ma grande surprise… En fait non, je ne pouvais être vraiment surprise qu’une seule fois par jour. Et ça, je m’y attendais.
Elle s’arrêta net et me vomis a la gueule un long discours pompeux et pompé dans tous les canards nationalistes conservateurs a petit tirage, distribués dans boucheries halal de Paris. Un discours fiévreux sur nos racines, notre marocanité, notre religion (monothéiste, qui condamne l’idolâtrie d’ailleurs. Et elle le savait parfaitement), nos repères…
Elle m’expliqua également comment elle a eu facilement sa nationalité française grâce aux offrandes qu’elle avait présentées à sidi Balyoute, et termina en beauté en me conseillant de faire pareil et en me rappelant que je n’étais pas une Gaouri et que (le clou du spectacle) je devais suivre son exemple pour pas que je finisse droguée ou sur le trottoir. Le rapport reste à établir.
Si elle m’évitait ce genre de prose, je serai bien tentée d’avoir la vie qu’elle a eue. L’épisode du saint mis à part, ce n’était franchement pas une vierge marie et elle était loin d’être dénuée de charmes quand elle fut jeune, à une époque.
Peu importe. Elle avait répondu à ma question. Et sa réponse, quoique compliquée, ambiguë aux mille détours, et pleine de reproches, était VRAIE et sincère.

- Tata… ?!
- Oui ?
- On va manger des pâtisseries ?
- J’achète du henné et on y va.

La crise identitaire restera longtemps une des préoccupations majeures des politiques mondiales, penseurs, littérateurs et autres sociologues. Et plus modestement un des sujets de réflexion favoris de George Battal, le pédé insoumis. Et paumé.

vendredi 14 mai 2010

Part - I - du texte sans titre.


- This was one of the best sex I’ve ever had.
- ...and more to come bébé...
Elle avait une drôle de manière de se vendre pour une fille qui le faisait gratis.
Comme si elle avait été en compétition avec les centaines de filles que je me suis envoyées dans ma vie, partout ou je suis allé.

Ou qu’elle avait peur que je ne la rappelle pas.

Pourtant, je voulais juste lui faire un compliment. Pour une fois que j’en faisais...
Pourtant, c’est elle qui me quitta deux semaines plus tard pour un de mes meilleurs amis.


Tout le monde se connaissait dans ce fish bowl, tout le monde était au courant de ses extravagances, comme de ses moindres gestes.

Elle était pétillante, bien roulée, intelligente. Elle buvait 3 fois plus qu’elle n’en était capable, financièrement et physiquement.

Et elle avait plein d’amis, car elle aime bien prendre tous ceux qui la draguent pour ses amis.

Mais d’amis mâles, elle n’en a jamais eu aucun. J’en aurai mis ma main au feu !
Tout le monde savait avec qui elle baisait, combien de fois, comment elle jetait ses amants comme des capotes usagées quelques jours après, au plus tard.

Mais ça n’a jamais empêché personne de lui faire la cour, de vouloir sortir avec elle, en tout cas pas seulement la baiser. Et même que, souvent, on l’a aimé !
Seuls ceux qui n’ont pas réussi à l’avoir la traitent de salope. Et ça, ça..Ça la fait marrer !

Elle avait blottit son corps nu contre le mien, et essayait de fourrer ses pieds dans mes chaussettes.

- Tu as froid ?
- Oui.
- Tu veux des chaussettes ?
- Non.

Désirable et touchante. Elle avait ce quelque chose d’enfantin. Et malgré ses sautes d’humeur, ses caprices, elle pouvait être déterminée quand il y’a de l’espoir, et résignée face aux causes perdues. Et moi, j'étais une cause perdue d'avance.
Elle m’embrassa longuement, comme je détestais qu’elle le fasse. De peur de m’attacher. Puis elle s’endormit, sa tête sur mon épaule.

Je me dégageai aussitôt, tout en sachant que j’allais la serrer contre moi dans mon sommeil. Comme d’habitude.
J’avais toujours eu la désagréable impression qu’elle avait pitié de moi. Ma compagnie l’ennuyait, c’est sûr. Elle me l’a même dit une fois. Un jour que l’on était entrain de baiser, je me suis surpris à lui dire :
- Tell me that you like being with me…
Et elle l’a fait. Elle a sourit. Puis elle me l’a susurré dans l’oreille d’un air suave et doux, de son haleine d’alcoolique. Et ca a été la plus belle vraie fausse déclaration qu’on m’avait faite de toute ma vie.
Si je n’avais pas été con je l’aurais crue sur parole. J’aurais du la croire pendant qu’il était temps. Parce que même quand elle ment, elle a besoin qu’on la croit. Parce que quand on la croit, elle fini par y croire aussi.
Mais j’ai préféré faire le malin, J’ai préféré rater l’occasion inestimable d’être heureux. J’ai raté mon train. Encore une fois. Et elle aime bien me le faire savoir.

Elle a fait de ma fille adoptive sa meilleure amie. Et elle se ramène chez moi, pour voir Maya, avec son nouvel amant, étaler son bonheur factice sur ma terrasse, en fumant des cigarettes de contrebande.
Mais je ne suis pas dupe. Je sais qu’elle s’ennuie avec lui. Il s’en doute aussi. Il répète la même erreur que moi, et de tous ceux qui l’ont connu avant et après moi. Peut être même pendant. A vrai dire, je n’en sais foutrement rien.
Mais lui aussi se méfie, la prend pour le diable. Mais tout ce qu’elle veut, elle, c’est de la tendresse, qu’on s’intéresse a elle. Et quand elle n’en a pas eu pour son compte, elle part la chercher ailleurs.
C’est une gentille fille au fond. C’est juste qu’elle a des problèmes aigus de narcissisme, et que son seul calmant, parce que de remède, il n’y en a pas, c’est l’attention totale d’un homme. Un travail a plein temps.
C’est une fille superbe qui s’est toujours trouvée laide, avant que ses seins ne commencent à pousser. Si un jour elle osait avoir de l’estime pour elle même, sa mère lui faisait savoir que non, qu’elle finirait femme de ménage ou sur le trottoir. Et même qu’elle n’arriverai pas a tapiner, parce que personne ne payerait quoi que ce soit pour coucher avec un thon.
Elle a été quand même forte, mais sa force elle la tient du regard que les autres posent sur elle. Elle a maladivement besoin qu’on l’admire, qu’on la trouve belle, et qu’on le lui montre mille fois par jour. Sinon elle se fane. Elle devient ce monstre de méchanceté que je connais si bien. Ou elle se casse sans crier gare quand elle estime que le jeu ne mérite pas l’effort, et encore moins sa colère, qu’elle dit « saine » la plupart du temps.

Tout cela je l’ai compris trop tard. Mais de toute façon, je n’avais ni l’énergie, ni l’argent pour lui montrer à quel point je tenais à la garder. Je ne sais pas ce que je ressentais pour elle. Je n’ai peut être jamais rien ressenti. Je me garde toujours de ressentir quoi que soit, pour qui que ce soit qui serait plus intense que de la sympathie.
Elle est donc partie avec Greg après avoir fait le tour de nos connaissances en commun. Et Greg, elle va le quitter bientôt aussi. Enfin, elle se lassera bientôt, si ce n’est déjà le cas. J’ai fait l’erreur de le lui dire. Et rien que pour me contrarier, elle le gardera sûrement encore un peu. Ça l’amuse de prouver que j’ai tort.
Ma façon de tout analyser, schématiser, établir des plans d’action et faire des pronostics l’irrite. Elle trouve que je déshumanise les rapports amoureux, quand je ne fais que me protéger. Je limite les dégâts.
Et ce n’est pas elle qui me fera reprendre des antidépresseurs. Le Nodep, c'est fini. Quoique...

Mais de toute façon, il est trop tard.

mardi 4 mai 2010

Papier toilette

Posé, ton coussin de chair et de douceur
mélange gracieux de muscles et de graisse
ta peau frémissante sur l'eau, et les odeurs
étouffent. L'éclaboussure est évitée de justesse.

Volcan d'Islande, ton œil qui gronde
ton jus jaillit d'entre tes fesses
en lave noire aux effluves immondes
chier quand on est belle, n'est point faiblesse

lundi 3 mai 2010

T’emmener sur une île désertée
L’inspiration me paraissait
Idéale pour repousser
L’urgence de te quitter

Je ne veux pas être un mari honnête
Suffoquant dans ton marécage
Entre tes doigts marionnette
Souffrant au delà du langage

T’es de loin la pire maladie
Grincement orchestral de mes os,
mes articulations, mal agencés
à force de me dépenser
en tendresses pour taire tes cris

Autour des yeux tu m’as mis du khôl.
Ensuite j’ai rempli
ma capote et mon rôle
surpris de voir, l’homme en moi dressé.

Autour de mon lit tu as tracé
Au safran, cercles et étoiles
Le sort jeté, tout est effacé
Ne me hante plus que ta beauté sculpturale

Autour de moi, tu as brodé ton histoire
Tu as, lentement, posé en mosaïque
Tes mots, ton empreinte, tes regards
Mais ça ne suffit pas, petite alcoolique.

Pour m’avoir, il te faut encore
Retrouver ma confiance, abandonner ton corps
« Les autres nous nuisent » je t’ai dit
Tu as écarquillé les yeux, feignant la surprise

Mais tu sais très bien que le problème
C’est que tu seras toujours aussi prise
Que Jérusalem
Convoitée par tous les côtés
Attaquée par toutes les directions
Ce qui nous laisse pour seule solution
La fuite vers notre île désertée
Terre promise, terre due
Sinon, à jamais, nous sommes perdus