lundi 28 décembre 2009

L'infini crépuscule -1ère partie- (version 1)

Les mots, comme des goutes de rosée, tombent de ma tête humide.
Ma sœur, a moitié morte, se noyait dans son lit. De temps a autre, elle se débattait contre ses draps. A quoi rêvait-elle ?
J'étais là devant la fenêtre, au petit matin, comme tous les matins. Depuis 20 jours maintenant.
les jours et les nuits se succédaient et j'étais toujours là. Le temps devenait une notion étrangère et inintelligible. Ma douleur et ma solitude indicibles. Le désir et l'ennui se confondaient en moi, le désir chassant l'ennui, et l'ennui créant le désir. L'humain et le divin se disputaient en moi. Dieu créant l'homme et l'homme chassant Dieu. Les levers de soleil revenaient tellement vite qu'ils n'en faisaient plus qu'un. Un seul et infiniment long lever de soleil. Il dura 20 jours.


J'attendais. J'ignore quoi.
Mais j'attendais.


Je me levais au crépuscule, quand la lumière inondait la pièce. Je me levais du lit, et je regardais a travers l'immense fenêtre. Les arabesques au fer forgé dessinaient des ombres fantastiques sur le tapis.
La lumière rose qui filtrait a travers les longs rideaux de Chaouen chassait mes idées noires. J'approchais un peu plus et j'écartais les rideaux, comme on écarte des jambes inutilement croisées sur l'origine du monde.
Le quartier était silencieux, les fleurs blanches des bougainvilliers tombaient comme des flocons de neige dans le jardin en ce début d'automne, et s'écrasaient comme des merdes sur le sol boueux a force d'être arrosé. Quelques téméraires oiseaux venaient chantonner au bord de ma fenêtre. Les plus cons d'entre eux venaient se cogner la tête contre les vitres-miroirs. Je les détestais ces oiseaux. J'ouvrais des fois la fenêtre, j'attrapais une branche et secouai l'arbre pour les faire s'envoler.
Des fois je sortais cowboy, mon Canon A-1 argentique. Une belle bête. Belle mais indomptable. J'essayais de capter la lumière, le silence, et cette sensation de flottement entre le sommeil et l'éveil, le rêve et la réalité. La réalité rêvée.

J'attendais.

Dans cette prison volontaire, j'avais choisi ma sentence. Je fut juge et condamnée. Je me suis condamnée à l'enfermement, l'ennui et l'insomnie.
S'enfermer pour déjouer le destin. Ce bâtard de destin.

Les culottes, livres aux pages jaunies et humides, et les chaussures a talons, seules épaves qui portent les empreintes de la rue, jonchaient le sol, ainsi qu'une foultitude d'accessoires, de papiers froissés, emballages de chips, de vieilles photographies, sacs à main ou à dos, et toutes ces merdes que l'on achète sans que notre vie n'en dépende. Ces merdes auxquelles on s'attache, dans lesquelles on s'enferme, on régresse, on rétrécit, jusqu'à se réduire a des objets, de vulgaires objets. Jusqu'à ce que nos ambitions se résument au prochain achat inutile.
Sous mon lit atterrissaient les plateaux repas que ma sœur me faisait monter.
Il y'a longtemps, j'ai affronté le monstre qu'il y'avait en dessous. Le monstre sous le lit. La peur du noir. La peur. Ces angoisses a la con, comme celle qui m'as prise le jour ou j'ai appris qu'il y'avait un trou dans la couche d'ozone et que tous les extraterrestres et autres envahisseurs farfelus pouvaient attaquer la terre. C'est fini tout ça, je suis une grande fille maintenant. Une grande fille d'1m56. A force de parler de taille, les gens finiront par croire a un complexe. Erreur.
Toujours est-il que sous le lit, j'en ai fait ma taverne. Magazines, bouffe et cigarettes s'y côtoyaient. Un vrai bar glauque a moustachus. Je me demande combien ils sont a se cacher sous mon lit...

En attendant. Je ne mangeais que pour survivre, ne buvait que pour mouiller.
Les plateaux s'entassaient sous le lit. Et les verres sur ma table de chevet.

J'attendais toujours. Je ne saurai dire quoi.

L'oubli. Le salut par l'oubli. Le rêve ne suffit plus. Le rêve n'est plus remède de l'âme en peine, le rêve n'est plus repos. Le rêve est une quête continuelle, une exploration de l'inconscient. Une exploration dont je me passerais bien. Je ne veux pas savoir. Je ne veux rien savoir. Les dents qui tombent, le soleil qui éclate, et moi en apesanteur, c'est drôle cinq minutes. Après revient l'angoisse. Et la fatigue aidant, c'est le réel et le fantasmé qui se confondent en moi. La réalité créant le rêve, et le rêve chassant la fatalité. Le rêve est une paix occasionnelle. Le rêve s'évapore comme l'alcool au premier cri étranger, et on se réveille avec la tête dans le cul, et le cul en compote.
Reste l'arme fatale, a brandir en dernier recours. Drogue dure, valeur sûre.

La folie.